Hongrie
En 1986, 189 000 personnes d’origine hongroise vivaient au Canada. Les premiers Hongrois vinrent au Canada via les États-Unis vers 1886 et s’établirent au Manitoba et en Saskatchewan. D’autres groupes immigrèrent entre 1901 et 1911 et plusieurs d’entre eux fondèrent des communautés en Alberta. Kenneth Peacock a étudié la culture traditionnelle de ces premières colonies et a recueilli plus de 150 chansons.
Après le durcissement des lois d’immigration aux États-Unis pendant les années 1920, de nombreux Hongrois préférèrent s’installer au Canada. Un certain nombre d’agriculteurs et de commerçants s’établirent près de Niagara, dans les régions du sud-ouest de l’Ontario où l’on cultive la vigne et le tabac, ainsi que dans des centres urbains comme Brantford, Hamilton et Toronto. Pendant les années 1930, la très grande majorité (peut-être 80 p. cent) des Hongrois établis dans l’ouest du Canada se déplacèrent vers l’est du pays.
Dans les années 1920 et 1930, les activités culturelles de la communauté hongroise des régions urbaines étaient coordonnées par les églises locales. Les archives déposées à la Multicultural History Society of Ontario montrent que l’église presbytérienne hongroise de Toronto, l’église catholique romaine hongroise Saint Elizabeth et l’église baptiste hongroise de Toronto parrainaient des choeurs, des ensembles à cordes et des harmonies. Des organisations communautaires, notamment la Kossuth Sick Benefit Society et la Brantford Mutual Benefit Society, mettaient également sur pied des chorales et des cours de danse folklorique.
La première musicienne hongroise de distinction à élire domicile au Canada fut probablement Clara Lichtenstein, qui affirmait avoir étudié avec Liszt et qui s’établit à Montréal en 1899. Le violoniste Géza de Kresz vécut à Toronto (1923-35 et 1947-59) et fit beaucoup pour faire connaître la musique hongroise (spécialement celle de Bartók) au public canadien. Le violoniste Jean de Rimanoczy s’installa à Winnipeg en 1925 et le pianiste Paul de Marky élut résidence à Montréal à la fin des années 1920. Une organisation communautaire centrale non confessionnelle, Hungarian House Inc. (rebaptisée Hungarian Canadian Cultural Centre en 1974), fut fondée à Toronto en 1947 dans le but d’encourager les activités sportives et culturelles, notamment la musique hongroise.
L’accroissement de l’immigration au Canada après la Deuxième Guerre mondiale amena au pays plusieurs musiciens hongrois, parmi lesquels le violoncelliste George Horváth en 1948 et le compositeur István Anhalt en 1949. L’insurrection de 1956 fut suivie d’une vague importante d’immigration totalisant environ 35 000 personnes, surtout des hommes d’affaires et des professionnels dont un grand nombre de musiciens, de professeurs de musique et d’étudiants. La plupart d’entre eux s’établirent à Toronto, Hamilton, Montréal, Winnipeg et Vancouver. En 1960, ils avaient déjà mis en oeuvre plusieurs moyens pour conserver leurs traditions musicales.
Parmi les groupes musicaux canadiens-hongrois actifs dans les années 1970, on remarquait le Hungarian Kapisztrán Folk Ensemble de Winnipeg, comprenant un choeur mixte, un orchestre et un groupe de danse folklorique, fondé en 1960 par son chef Gertrud Edenhoffer. Affilié à l’église catholique romaine hongroise Saint Anthony of Padua, cet ensemble, dont les membres revêtent des costumes folkloriques régionaux, s’est produit à la télévision et dans des festivals de folklore hongrois aussi bien que multiculturels, dans un répertoire de musique d’église, de chansons folkloriques et d’oeuvres de Bartók, Kodály et de plusieurs autres compositeurs. Le Kodály Ensemble de Toronto fut créé en 1960 par George Zadubán sous le nom de Kodály Male Voice Choir. On y ajouta un choeur mixte, un orchestre et une troupe de danse en 1963. Le choeur mixte chanta aux côtés du Choeur Mendelssohn de Toronto lors de représentations d’ Aïda (1964) et de Turandot (1965) par la COC. En 1979, l’ensemble comprenait un orchestre, un choeur mixte, un choeur de chambre et un groupe de danse. Il était alors considéré comme la formation hongroise de ce genre la plus importante et la mieux connue en dehors de la Hongrie. L’orchestre, le choeur et le groupe de danse qui le composent se sont également produits séparément. L’ensemble au complet donna des représentations lors de festivals ontariens ainsi qu’à Buffalo, Cleveland, Detroit et Winnipeg. Le Vancouver Hungarian Choir fut mis sur pied en 1967 par Josef Sallos et dirigé ensuite par Thomas Schadl. Il a participé à des festivals folkloriques et s’est classé parmi les gagnants du festival Kiwanis en 1969 et 1970. Il a réalisé des enregistrements privés d’oeuvres chorales et de chants de Noël hongrois.
En 1974, la House of Remenyi (orthographié Remeny pendant quelques années), entreprise musicale de Budapest qui avait rouvert ses portes à Toronto, ressuscita la Remenyi Award Competition, inaugurée à l’Académie Franz Liszt en 1902 et suspendue en 1950. Pour la reprise de ce concours, la compagnie reçut l’appui de Lorand Fenyves et de l’Université de Toronto> (voir Récompenses).
Les principes de pédagogie musicale mis au point par Zoltán Kodály firent leur apparition au Canada en 1965 dans des cours du RCMT et de l’École normale de musique de Montréal. Kodály visita le Canada en 1964 et, lorsqu’il revint en 1966, il fut l’invité des Conférences MacMillan à l’Université de Toronto, où il reçut un doctorat h.c. Pour le centenaire de sa naissance, en novembre 1982, la communauté hongroise de Toronto organisa une commémoration musicale mettant en vedette l’altiste Rivka Golani, le pianiste Tibor Polgar, la soprano Barbara Collier et le pianiste hongrois invité Ádám Fellegi. En 1973, les Conférences CAPAC-MacMillan furent données par un autre compositeur hongrois, György Ligeti.
Au nombre des musiciens hongrois qui se sont produits au Canada se trouve également le pianiste Ernst von (Ernö) Dohnányi qui donna un récital pour les membres du >Ladies’ Morning Musical Club de Montréal en 1900 et qui revint à Montréal pendant les années 1930 pour interpréter en création canadienne ses Variations sur une chanson enfantine avec le Montreal Orchestra, sous la direction de Clarke. Le violoniste Joseph Szigeti se fit entendre à Montréal, lors d’un concert du Ladies’ Morning Musical Club en1927, et joua en outre à Toronto, Winnipeg et dans d’autres villes, tandis que le Quatuor Roth était applaudi à Montréal en 1929. Béla Bartók, qui compta parmi ses élèves les Canadiennes Violet Archer, Agnes Butcher et Jean Coulthard, eut un engagement pour jouer à Montréal pendant les années 1940, mais dut l’annuler pour cause de maladie. Le pianiste György Cziffra fit ses débuts nord-amér. aux Festivals de Montréal de 1957. Le Quatuor à cordes hongrois créa le Quatuor à cordes no 3 de Harry Somers au Festival international de Vancouver en 1959. Les pianistes Georges Solchany, Tamás Vásáry, Zoltán Kocsis et András Schiff, le violoncelliste Janos Starker, le musicologue László Somfai, le Nouveau Trio hongrois, le Quatuor Végh et l’ensemble Philharmonia Hungarica, orchestre de réfugiés hongrois formé en Allemagne de l’Ouest à la fin des années 1950, sont venus au Canada (Starker, en particulier, a fait de fréquents séjours). La pianiste Lili Kraus joua avec l’Orchestre de chambre McGill, l’OCNA et le TSO et donna de nombreux récitals au pays. La soprano Eva Marton a enregistré un disque des oeuvres de Richard Strauss avec le TS.
Emma Albani chanta lors de la création, en Angleterre, de Sainte Elisabeth de Liszt, en présence du compositeur. Waugh Lauder fut un des élèves de Liszt et le musicologue Alan Walker fait autorité sur ce compositeur. Parmi les Canadiens qui se firent entendre en Hongrie figurent Mona Bates, qui étudia avec Kodály, et Alexander Brott, qui dirigea dans ce pays. Le pianiste David Swan fit une tournée de récitals en Hongrie en 1978. Budapest fut le théâtre d’un des premiers concerts hors du Canada consacrés entièrement à la musique canadienne (24 et 26 août 1949).
Les musiciens de naissance ou d’origine hongroise qui ont élu domicile au Canada incluent les violoncellistes Klara Benjamin Belkin, Kristine Bogyo (m. Kuerti), Dezsö Mahalek, Ivan Toth, Laszlo Varga et András Weber; les clarinettistes Lajos Bornyi et Imre Rozsnyai; les compositeurs John Fodi, Thomas Legrady et Tibor Polgar; les chefs d’orchestre Laszlo Gati et Arpad Joo; les guitaristes Antonin Bartos, Frank Nagy et Abel Nagytothy-Toth; les organistes et chefs de choeur Oscar Buchbinder, Izabella Dedinsky, Miklós Takács et Xavér Varnus; les pianistes Ernest Bánky, Béla Böszörmenyi-Nagy, Endre Gaál, Lajos Ivánfay-Gondos, Eva Hidassy-Hajos (m. Jahn), la spécialiste de Bartók Mary Kenedi, Charles Reiner et Ilonka Seder-Szabolcsi, le pianiste et administrateur Peter Simon, le pianiste et compositeur Ivan Gondos, les professeurs de piano Margaret Hajdú, Judit Kenedy et Idilko Vadas; les chanteurs Aurelie Revy Chapman, Veronica d’Eclesis (née Kalfman), Rózsa Erdélyi, Ferenc Korodini, Gloria Jean Nagy et Margaret Zydron (née Pirositz); les violonistes Ilona Adorján, Béla Bucz, Kornelia Dvorzsák, Arthur Garami, Moshe Hammer, Marta Hidy, Lajos Molnár, Joseph Peleg, Charles Szilády, János Tóth, Elizabeth Tömösváry, Dezsö Vághy et Árpád Verseghy; les altistes Janos Csaba, Ernest Kiss, Tibor Vághy et Robert Verebes; le contrebassiste Leslie Obercian, le corniste Eugene Rittich, le pédagogue Gábor Bartha, la harpiste Susan Remeny, le tromboniste Antal Dvorak, la journaliste musicale Nancy Gyokeres, le trompettiste Steven Pettes et le musicologue Zoltan Roman. Le musicologue et pianiste Stephen Satory a joué de la musique hongroise tout en écrivant à son sujet, entre autres un article sur la Táncház (« maison de danse »), la tradition hongroise de danse et de musique improvisées (RMUC, no 8, 1987), une entrevue avec Ligeti (RMUC, no 10, 1990) et une thèse de doctorat sur la composition de quatuors à cordes en Hongrie de 1958 à 1981 (Université de Toronto, 1991). Le luthier Otto Erdesz, spécialiste des violons et des altos, a vécu à Toronto de 1974 à 1990 environ. Le violoniste et compositeur Zoltán Székely a immigré au Canada au début des années 1970, pour devenir citoyen canadien en 1979. Un des membres du Quatuor à cordes hongrois (1937-52), il est le dédicataire de la Rhapsodie no 2 pour violon (1928) de Bartók, de son Concerto pour violon et orchestre (1937-38) et de son Quatuor à cordes no 6 (1939). En 1991, il était artiste en résidence au CA Banff, poste qu’il avait assumé en 1975.
« Hungary Reborn », le plus grand festival d’art hongrois jamais tenu en Amérique du Nord, eut lieu à Toronto à l’automne de 1991. Parmi les artistes invités, on a pu compter l’OS d’État de Hongrie, le Ballet national hongrois et l’Orchestre de chambre Franz Liszt. Des concerts de musique hongroise ont également été donnés par le TS, les NMC et d’autres groupes de Toronto.
George Zadubán
Bibliographie
Kenneth PEACOCK, A Survey of Ethnic Folkmusic Across Western Canada, Étude d’anthropologie no 5 du Musée national (Ottawa 1963).
Twenty Ethnic Songs from Western Canada, Bulletin 211 du Musée national (Ottawa 1966).
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